RESPECT
Patrick Ricard inhumé cet après midi aux Embiez
La cérémonie aura lieu à 17 heures, elle sera suivie de l'inhumation. Patrick Ricard sera enterré avec son père sous une roche blanche au sud de l'île des Embiez, face à la mer.
Le fils de l’inventeur du pastis et président du groupe Pernod-Ricard est mort vendredi à 67 ans, laissant derrière lui un empire serein.
Patrick Ricard, président du groupe Pernod-Ricard et héritier de Paul Ricard, est mort vendredi à l’âge de 67 ans. A l’heure de la sieste et à quelques jours de la Fête de l’Huma, dont la maison Ricard fut longtemps partenaire… Il avait été transféré à l’hôpital Sainte-Anne de Toulon après avoir été terrassé par une crise cardiaque dans son hamac dans sa propriété de l’île de Bendor au large de Bandol (Var).A la tête du groupe familial depuis 1978, Patrick Ricard avait pris du recul en 2008, gardant un œil acéré sur la stratégie, mais laissant la gestion des affaires au quotidien à son fidèle bras droit : Pierre Pringuet, le directeur général de Pernod-Ricard, un polytechnicien qui a fait l’essentiel de sa carrière dans l’entreprise. De ce point de vue, la continuité à la tête du géant français des spiritueux - le numéro 2 mondial derrière le britannique Diageo - était déjà assurée. Hier, à la direction de Pernod-Ricard, un ruban noir sur le jaune, on jugeait «toutes les questions de succession prématurées». La date des obsèques n’avait pas encore été fixée par la famille et aucun conseil d’administration n’a été convoqué pour l’heure. Une chose est sûre, Patrick, qui déclarait au Point, il y a pile un an : «J’ai la forfanterie de penser que je n’ai pas été radicalement mauvais», voulait un Ricard sinon rien pour lui succéder.
Bien que père de trois enfants, dont deux œuvrant dans le groupe - Paul-Charles, 29 ans, «international brand manager» chez Mumm, et Lorraine, aux relations publiques chez Ricard SA -, ce sera sans doute son neveu Alexandre Ricard, 40 ans, qui reprendra le flambeau. Il l’a préparé à cette charge en le bombardant l’an dernier à la tête du réseau de distribution. Et Alexandre est déjà membre du comité exécutif.
«Patron visionnaire», «réussite exemplaire»… Tout le week-end, le monde politique et économique a rivalisé d’hommages. Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a déploré «une lourde de perte pour la communauté des entrepreneurs français dont notre pays a tant besoin en cette période de crise». Son collègue Montebourg a salué un patron «emblématique de la réussite française dans le monde». Au paradis des bistrotiers, cela doit faire sourire ce grand timide qui n’aimait pas les mondanités. L’autodidacte - il avait arrêté ses études en troisième, son paternel considérant que l’entreprise familiale était la meilleure école d’un héritier - se moquait du Paris des énarques et des dîners en ville, leur préférant la Méditerranée et la compagnie de son bateau et du gibier. Ce qui ne l’empêchait pas d’aimer l’art et l’opéra. Taiseux mais pas bourru, plus paternaliste que social («Je crains que l’ISF ne me pousse à quitter la France» déclarait-il en 2007), l’homme était proche de l’UMP mais savait que ses alcools étaient bus «par tout le monde, à gauche comme à droite». Ce boss à l’ancienne était apprécié de ses collaborateurs. Ami proche, Michel Montana, pilier du journal communiste la Marseillaise, rappelait hier dans le JDD : «Il n’y a jamais eu de grève à Pernod-Ricard : il donnait tellement à ses salariés…» Il avait pourtant débuté sous la férule d’un dénommé Charles Pasqua, alors homme de confiance de son père.
C’est entre le Vieux-Port et Bandol que la saga familiale avait commencé en 1932, quand le marchand de vins Paul Ricard, surfant sur la prohibition de l’absinthe, avait eu l’idée de génie de proposer une anisette prête à servir. De l’alcool à 45°, de l’anis, une touche de réglisse… Jusque-là chaque bistrot préparait son propre breuvage. Son fils, Patrick, a vu bien plus grand que ce «petit jaune» célébré toute l’année à Marseille et dès les premiers rayons de soleil dans le reste l’Hexagone, mais peu siroté en dehors de nos frontières.
A partir de la marque Ricard, navire amiral du groupe (avec le groupe Pernod racheté en 1975), ce grand patron «qui ne la ramenait pas» - dixit l’ami du CAC 40 François Pinault - avait édifié un empire de spiritueux. Se lançant à l’assaut du monde à coup d’acquisitions audacieuses (Seagram en 2001, Allied Domecq en 2005, Absolut en 2008). Aux quatre coins de la planète, des centaines de millions de consommateurs descendent sans le savoir des flacons appartenant au Français : whisky Chivas, Jameson ou Glenlivet, cognac Martell, gin Beefeater, rhum Havana Club, vodka Absolut, mais aussi champagnes Mumm ou Perrier-Jouët… Aujourd’hui, la France ne compte plus que pour 10% du chiffre d’affaires.
Patrick Ricard, qui devrait reposer aux côtés de son père sur l’île des Embiez, laisse derrière lui une «world company» en pleine forme (l’action a bondi de 65% en trois ans). Le capital de Pernod-Ricard est verrouillé par la famille (14,3% des actions et 20% des droits de vote) et son allié belge Albert Frère. A priori, l’empire anisé n’est pas soluble dans une OPA. Patrick voulait en faire le numéro 1 mondial des vins et spiritueux. Ce sera à la troisième génération Ricard de relever ce défi.
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